« La peinture prend avec Laurence une dimension organique. » 

J’ai rarement senti un apaisement comparable à celui qui m’est venu face à l’un des derniers tableaux de Laurence. Je me souviens très nettement du bleu dominant la toile ainsi que des lettres qui se tenaient là comme un message caché. Car voici probablement l’un des traits marquant de la peinture de l’artiste : on ne peut se tenir face à elle comme un simple spectateur. L’abstraction des sujets pousse à participer à la construction du sens, parfois à constater qu’il nous échappe et toujours à se raconter avec leur auteur.

La peinture prend en effet avec Laurence une dimension organique. On y lit l’enfantement. L’artiste et sa vie se tiennent face à nous. Promenades et trouvailles se mêlent à la peinture pour nous livrer le résultat de la quête, peut-être existentielle, d’un art complet. On lit en ces tableaux une hygiène de vie, la recherche de pigments respectueux de l’environnement, le recyclage des matériaux frustres qui semblaient épuisés, la coopération avec les aspérités inévitables de la toile.

Laurence nous rappelle l’importance de la durée dans un monde dominé par l’instantanéité, la valeur de la profondeur et de la persistance face à la performance, toujours éphémère. Si elle se qualifie elle-même d’alchimiste, la peintre nous livre sans conteste une peinture personnelle. Pour être exact, elle nous livre àelle et c’est ici que réside le tour de force : Laurence, en plongeant dans son intériorité, a trouvé ce qu’il y a de plus personnel en chacun de nous. En cultivant la subjectivité, elle parvient à émouvoir tous les spectateurs. Les tableaux deviennent ainsi le lieu de la rencontre des sujets que sont l’artiste et le spectateur et de leurs questionnements, de leurs quêtes et surtout de leur liberté. En effet, les niveaux de lecture du tableau se superposent mais jamais ne s’imposent, les écrits eux-mêmes, fragmentés et travaillés, n’enferment pas dans une signification déjà élaborée mais nous rappelle que le sens du tableau, comme de la vie, reste à construire. Au travers de sa propre quête et des réponses qu’elle y apporte, Laurence parvient à embellir la vie de ceux qui partagent son art et nous montre ainsi que son art est vivant. John Stuart Mill écrivait que « parmi les œuvres de l’homme, que la vie humaine est légitimement employée à embellir, la plus importante est sûrement l’homme lui-même » et Laurence a du méditer cette maxime plus d’une fois.

 

Aurélien Faravelon