« C’est une œuvre de maturité que je qualifierai de méditative »

Je ne connais pas suffisamment ton parcours pictural depuis le commencement. Je me contenterai donc de t’écrire un mini-texte avec ce que j’ai pu voir, c’est-à-dire deux périodes très différentes, celle où tu incluais des mots au sein même de ta peinture encore figurative, et celle de ces dernières années, abstraite et matiériste, raffinée et plutôt poétique, les mots à l’extérieur sous forme de poèmes très dépouillés.

Pour la première de ces deux périodes il me semble qu’avant de regarder l’œuvre peinte la tentation était de lire le texte. C’était donc d’abord de l’écriture, certes parfois calligraphique.

Concernant la seconde période citée, donc ton œuvre récente, celle exposée à la Chapelle Notre-Dame des Anges, c’est une œuvre de maturité que je qualifierai de méditative. La contemplation prolongée des tableaux permet de découvrir une diversité de matériaux hétéroclites, souvent étonnants, à peine reconnaissables, et qui mêlés à la peinture montrent un travail de fourmi à l’opposé de la spontanéité gestuelle de certains expressionnistes abstraits.

Je comparerais ton œuvre plutôt à celle des aborigènes d’Australie, non sur le fond, car leurs œuvres parlent de leurs ancêtres, de leur terre, de leur croyances, mais dans les formes, ces petits territoires colorés qui apparaissent, ces tâches comme des plans d’eau, ces courbes comme des chemins qui nous promènent. Ce sont les structures des toiles qui m’évoquent l’art aborigène tel qu’on le perçoit en Occident.

Je me permets une question (qui n’est pas une critique) : les textes extérieurs, sous forme de poèmes, sont-ils absolument nécessaires ? Faut-il donner aux spectateurs des clés ou des secrets de fabrication ? Ou alors pourquoi pas des haïkus en trois lignes ? J’accompagne ma question d’une citation très américaine de Frank Stella : « Ce que vous voyez est ce que vous voyez ».

Emmanuel HAREL, artiste et ami.

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