Comme une bulle

 Comme dans une bulle

S’asseoir devant la toile et tout oublier. J’attends cet instant avec délectation.

Le silence, partout, j’observe. Au début rien. Mes yeux s’imprègnent des couleurs, je cerne les manques. Je suis comme dans une bulle, je voyage, protégée.

Le monde extérieur a disparu, je suis très loin à l’intérieur. J’avance dans un univers parallèle, neuf, ouvert. La lumière est intense. Plus de limites.

J’avance encore, oui. Un glacis brun là. Ici une tâche jaune, non. Je dois recommencer. Ce rouge est trop rouge. Ce blanc trop blanc.

Un glacis violet, oui. Un pinceau plus fin – voilà Quel plaisir ces pigments bien rangés, ils me redonnent goût au travail.

Le bleu de cobalt, quelle folie. Il est beau à mourir. Quel rayonnement ? Mais est-ce que j’ose ?

J’aimerais que ça dure toujours. Je voudrais que le temps s’arrête pour rester à l’intérieur, comme dans un cocon, longtemps.

Pourquoi cette aiguille avance-t-elle si vite ?

« Soleil rond » ira bien, oui

Le reste du texte en petit, dessous. Voyons.

Flute ! J’ai oublié de préparer le déjeuner. Tans pis. Restons-là à l’intérieur. J’y suis bien. Silence. Je mélange le bleu. « Matin d’Afrique » avec le tire-ligne, ce sera mieux.

Je crois que c’est bon. Que me dit le miroir ? Y aurait-il trop de blanc ? Il faut le salir.

Ce violet de manganèse conviendra mieux. Il ne faut pas aller trop loin. Je dois m’arrêter. On peut se perdre dans une peinture. Je reviens à la surface. Les bruits extérieurs se font plus présents. J’hésite un instant. Les soucis sont tous là, à la queue leu leu. Ils m’attendent comme des poux voraces et tenaces.

Je quitte la peinture avec regret.