Anne Teresa de Keersmacker à Philharmonie

Date : 19.11.2018

Décidée de ne pas sortir du monde pictural sur mon blog, je fais néanmoins une petite escapade dans la danse. Mais pas n’importe quelle danse. Ici tout est dépouillé, abstrait,  minimaliste, graphique, sensitif.

Un seul violoncelliste (Jean Guihen Queyras) au milieu d’une scène vide. Il joue sans partition, les 6 suites de Bach. Il nous tourne le dos. Une scène immense, sans rideau, sans décors. Des ellipses se devinent au sol, peut-être tracées dans un autre temps.

Petit à petit l’espace au sol est structuré par des tracés réalisés en directe par les danseurs avec de l’adhésif de couleur

Les adhésifs forment une étoile verte, puis une autre blanche, puis rouge. Tout ceci en mouvement, progressivement tout au long du spectacle, marché, sauté dansé, coulé, rampé,  nous propulsant comme dans  l’intimité d’une répétition, d’une construction qui se dessine devant nous, à travers le temps.

Anne Térésa marque les débuts des scènes par une gestuelle à notre intention, les danseurs portent aussi un trait graphique l’un sur la jambe, l’autre sur le bras. Ils sont inspirés, concentrés, pénétrés de cette musique. Ils évoluent selon des axes précis, graphiques.

Anne Térésa ose des chemins d’abstraction, le violoncelliste joue seul, dans cet immense espace de la scène. Il se déplace avant chaque morceau, toujours sur la pointe d’une étoile, comme un ballet étrange se jouant entre musique et danseurs. Petit à petit il est de profil, puis de face.

Elle ose baisser la lumière, ne laissant qu’un mince graphisme sur le bord du violoncelle, et tout devient intimiste, absorbant, méditatif.

Elle ose le danseur dans le silence total, on entend que le bruit des semelles sur la scène. Ils suivent une géométrie mystérieuse, symbolique toujours, elle se révèle à nous petit à petit.

Elle ose s’adresser à un seul de nos sens, créant un repos méditatif, le temps s’arrête comme suspendu au danseur.

Elle a osé un dépouillement  tellement anachronique avec notre société du « toujours plus », du toujours consommer, remplir, ajouter, plus fort, plus vite, plus …. Quand d’autres spectacles ont 100 musiciens, des effets spéciaux, de la musique à 120 décibels, des spots qui bougent et changent de couleurs …

En un mot, un spectacle régénérateur.